Pierre Pescatore, La philosophie du droit au tournant du millénaire. Etat des problèmes, essais de solution, Bruxelles, Bruylant, 126 p. (ISBN 978-2-87978-077-1)
Un tournant du millénaire n'intervient qu'une fois tous les milles ans : Monsieur de La Palice n'aurait pas dit mieux. L'auteur en a profité pour faire, avec ses amis de l'Institut national, le tour de la philosophie du droit en ce moment mémorable. Pour tout dire, une image sans relief notable. On a ainsi passé en revue le statut de la personne, sexuée comme être physique et solidement arrimée dans l'abstrait à son cadre institutionnel. Deux noms émergent ici, celui de Josef Esser – qui a mis en évidence le double rôle des « principes », comme fondement des grands axes de l'ordre juridique (Grunsatz) et comme bouche-trou aux extrémités du droit positif (Norm) – et celui de Maurice Hauriou, extracteur de « l'institution » de l'interdit dont la Révolution française avait frappé tout ce qui sentait la fondation. Suit une réflexion sur la notion de justice, accaparée récemment par l'américain John Rawls, spoliateur discret d'Aristote et de Thomas d'Aquin et plagiaire ouvert de Kant, pour devenir l'idole d'une philosophie européenne en manque d'idées propres. Ceci dit, on note un renforcement de l'idée de responsabilité, grâce au livre de Hans Jonas, Das Prinzip Verantwortung, qui a ouvert la voie à la conception d'une responsabilité universelle. Une oasis luxuriante dans ce paysage désertique, à savoir la méthodologie juridique qui a grandement profité de la philosophie de Karl Kopper, à quoi s'ajoute un livre isolé digne d'être connu, The Logic of Choice de Gidon Gottlieb et un autre de Laurent Cohen-Tanugi, Le droit sans l'Etat. L'auteur conseille de prendre au sérieux aussi, sur le fond des choses, Fukuyama et Huntington, maudits par tant d'autres, mais fait pour sa part peu de cas de Habermas, prince des philosophes allemands. Et l'auteur lui-même? Il défend un « droit naturel et de culture ». Droit de nature là où il s'agit de l'intégrité de la personne humaine et sauvegarde de son environnement... naturel. Droit de culture, par contre, là où s'étale la libre créativité de l'homme, en conseillant de puiser, avant de philosopher, dans trois fonds insondables que sont : l'histoire, l'internationalité (là où des accords transnationaux ont pu être atteints) et la comparativité (là où persistent les désaccords). Lira et puisera qui voudra.
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