La redéfinition de la loi comme expression de la volonté du souverain fut longtemps tenue pour avoir signé l’acte de naissance de l’État moderne. Mais les notions cardinales qui présidèrent à l’avènement d’une souveraineté centrée sur la loi plongent leurs racines dans les conceptions et les pratiques médiévales. Elles s’inscrivent dans le temps long d’une histoire du droit et du pouvoir normatif selon laquelle l’idée d’un roi justicier laissa peu à peu la place à la figure du roi législateur.
Dans cette optique, le règne de Louis XI, roi critiqué pour son autoritarisme, fournit une unité historique et politique adéquate pour comprendre, par l’étude des actes royaux, comment la transformation de ces notions s’articule à celle des pratiques normatives. À la veille des Temps modernes, la norme juridique royale reste imprégnée de la vocation justicière du pouvoir. Les institutions comme les actes juridiques doivent être envisagés sous l’angle de la juridiction lato sensu : ni les unes ni les autres ne sont spécifiquement identifiables à la loi ou à la justice. Le roi n’exerce pas un monopole, quoiqu’il s’affirme comme l’instance normative par excellence, et la production du droit ne résulte qu’en principe de l’énonciation souveraine. Formellement solitaire et unilatérale, la parole royale se nourrit du dialogue qu’elle entretient avec les sujets, de la contradiction que lui opposent officiers ou institutions ou des cadres idéologiques qui déterminent la norme par ses fins : la justice et le bien commun.
La présente étude s’efforce de montrer en quoi la variété des actes royaux correspond non à des typologies précises de fond (généralité, permanence, unilatéralité) ou de forme (diplomatique et structure discursive), mais à une somme de modèles souples adaptés aux diverses fonctions qu’ils remplissent. La norme juridique royale procède d’un acte issu de la volonté du roi, sans que leurs validités respectives se confondent. Au-delà d’un volontarisme de façade se font jour des modalités normales et exceptionnelles d’édiction du droit qui s’ancrent dans la régularité de pratiques répétées. La présente contribution à une histoire de la notion de loi s’efforce de souligner l’éclairage que les pratiques médiévales apportent aux relations qu’entretiennent l’indétermination de la norme et les dimensions non positives de celle-ci.
Frédéric F. Martin est maître de conférences en Histoire du droit à l’Université de Nantes.
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